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Au Kenya, une plate-forme numérique pour aider les jeunes filles à prévenir leurs grossesses

Depuis 2017, le projet In Their Hands a permis à près de 400 000 adolescentes de bénéficier gratuitement d’une méthode de contraception de leur choix.

Par  (Nairobi, envoyé spécial)

Publié le 23 novembre 2019 à 08h00

Temps de Lecture 4 min.

Le quartier de Githurai-Roysambu, en banlieue de Nairobi, où des contraceptifs sont distribués gratuitement à des adolescentes. Ici, en novembre 2019.

Le centre de santé intégré Milele est une petite clinique privée familiale au cœur de Githurai-Roysambu, un quartier d’une banlieue défavorisée de Nairobi. Plus qu’un centre de santé, la structure fonctionne d’abord comme un foyer social dédié à la mère et à l’enfant. Les habitantes du lieu peuvent y trouver une équipe de soignants et de travailleurs sociaux fournissant diverses prestations de planning familial. C’est ici que la jeune Rosa Ever, 19 ans, se rend une fois par mois, afin de recevoir gratuitement ses pilules contraceptives. Le rendez-vous s’accompagne systématiquement d’un court entretien pour faire le point sur sa situation générale.

Si la clinique Milele peut ainsi fournir sans frais des contraceptifs aux adolescentes, c’est parce qu’elle est soutenue par la plate-forme numérique In Their Hands (« Entre leurs mains »), à l’instar de 279 autres cliniques de proximité et de 57 pharmacies du Kenya. Le projet permet aux jeunes filles de 15 à 19 ans d’opter en toute discrétion pour la méthode contraceptive de leur choix. Une fois inscrites sur la plate-forme, celles-ci sont approchées par des éducatrices qui leur fournissent informations et conseils et leur facilitent l’accès à divers points de distribution. Le projet, mis en œuvre depuis deux ans par l’association Triggerise, la section locale d’une ONG néerlandaise, fonctionne à partir des donations de l’ONG britannique Children’s Investment Fund.

« Sans cette possibilité, j’aurais probablement déjà eu un deuxième enfant. Or, je n’ai déjà pas les moyens de bien m’occuper de ma fille », explique, de sa voix fluette, la jeune femme à peine sortie de l’adolescence. Rosa Ever est hébergée par sa grand-mère. Pour survivre, elle travaille comme blanchisseuse dans les beaux quartiers. Les bons jours, elle peut gagner jusqu’à 1 000 shillings (9 euros). Insuffisant pour prendre soin d’elle-même et de sa fille âgée d’un an et demi et née à la suite d’une grossesse non désirée.

18 régions convertes sur les 47 du pays

Au Kenya, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) estime à 98 le nombre de naissances pour 1 000 adolescentes de 15 à 19 ans, chaque année. Un phénomène qui touche jusqu’à 40 % des jeunes filles dans certaines régions rurales du pays. Le chiffre est alarmant, même si certains pays présentent des statistiques encore plus élevées, comme le Niger (192 naissances pour 1 000 adolescentes). Les raisons ? A des mariages précoces et forcés, mais aussi à un déficit d’accès à l’éducation sexuelle et à des services complets de planification familiale, surtout dans les quartiers pauvres et en zone rurale.

« Jusque-là, je n’avais jamais entendu parler de contraception. J’ai décidé d’adopter la pilule afin de pouvoir mieux réfléchir à mon avenir », confirme Rosa Ever. La jeune femme a prématurément quitté l’école en classe de troisième et rêve désormais d’entreprendre des études de commerce. Pour y parvenir, les conseillères d’In Their Hands l’encouragent à maîtriser sa santé sexuelle et reproductive.

« La démarche vise à réduire l’incidence des grossesses précoces et non désirées chez les adolescentes en leur permettant de s’informer et de faire leur propre choix de vie », explique Mercy Mongweli, responsable du projet. Près de 400 000 jeunes filles ont pu s’inscrire depuis 2017, précise-t-elle. Pour l’heure, cependant, la plate-forme numérique ne permet de couvrir que dix-huit régions sur les quarante-sept que compte le Kenya, en raison de la faible pénétration d’Internet et de la téléphonie.

A en croire le ministère de la santé, 97 % des adolescentes seraient informées au sujet de la contraception grâce aux programmes de sensibilisation menés depuis une vingtaine d’années. Mais alors comment expliquer que le taux de grossesses précoces et de nouvelles infections au VIH, dues notamment aux avortements effectués dans de mauvaises conditions, soient parmi les plus importants au monde ?

Des préjugés qui persistent

Cette question sensible a occupé les participants à la Conférence internationale sur la population et le développement, organisée du 12 au 14 novembre à Nairobi sous l’égide des Nations unies. Axé sur le thème du planning familial, le colloque a préconisé une meilleure intégration du « selfcare » dans les politiques publiques de santé. Soit une démarche poussant les individus à prendre eux-mêmes soin de leur santé en mettant à leur disposition informations, médicaments et outils de prévention.

« En matière de santé sexuelle et reproductive, de santé maternelle et infantile ou de prévention des infections sexuellement transmissibles, cette approche, qui doit rester complémentaire aux systèmes de santé, apparaît comme un moyen efficace », a plaidé Nanjulaa Narasimhan, chercheuse au département de la santé reproductive de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), quelques jours avant la conférence. L’OMS vient d’ailleurs de publier un ensemble de recommandations dans ce sens.

Certaines actrices de terrain semblent tout de même réservées quant à cette démarche qui prend peu en compte plusieurs facteurs sociaux. « Les familles et la société perçoivent encore mal l’utilisation des contraceptifs par les adolescentes. Il persiste un préjugé selon lequel, peut-être, plus tard, il sera difficile d’avoir un enfant », souligne Matilda Timpiyian de White Ribon Alliance, une association qui a fait de ce thème son cheval de bataille au Kenya. La jeune Rosa Ever le reconnaît volontiers : si elle avait demandé son avis à sa grand-mère, celle-ci l’en aurait sans doute dissuadée. C’est en toute discrétion qu’elle a choisi de prendre elle-même sa santé en main.

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