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Respecs inc. c. Marchés Pépin inc., 2020 QCCQ 148 (CanLII)

Date :
2020-01-22
Numéro de dossier :
505-32-037641-199; 505-32-037625-192; 505-32-037639-193; 505-32-037680-197; 505-32-037640-191; 505-32-037623-197; 505-32-037622-199
Référence :
Respecs inc. c. Marchés Pépin inc., 2020 QCCQ 148 (CanLII), <https://canlii.ca/t/j56fr>, consulté le 2024-04-24

Respecs inc. c. Marchés Pépin inc.

2020 QCCQ 148

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

LOCALITÉ DE

LONGUEUIL

« Chambre civile »

N° :

505-32-037622-199, 505-32-037623-197, 505-32-037625-192, 505-32-037639-193, 505-32-037640-191, 505-32-037641-199, 505-32-037680-197

 

 

DATE :

22 janvier 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

LUC HERVÉ THIBAUDEAU, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

N° : 505-32-037622-199

RESPECS INC.

Partie demanderesse

c.

LES MARCHÉS PÉPIN INC.

Partie défenderesse

 

-et-

N° : 505-32-037623-197

RESPECS INC.

Partie demanderesse

c.

2747-6761 QUÉBEC INC.

Partie défenderesse

 

-et-

N° : 505-32-037625-192

RESPECS INC.

Partie demanderesse

c.

MARCHÉ REID ET GADOUA INC.

Partie défenderesse


 

-et-

N° : 505-32-037639-193

RESPECS INC.

Partie demanderesse

c.

MARCHÉ DU FAUBOURG STE-JULIE INC.

Partie défenderesse

-et-

N° : 505-32-037640-191

RESPECS INC.

Partie demanderesse

c.

MARCHÉ DU FAUBOURG GREENFIELD PARK INC.

Partie défenderesse

-et-

N° : 505-32-037641-199

RESPECS INC.

Partie demanderesse

c.

MARCHÉ DU FAUBOURG ST-AMABLE INC.

Partie défenderesse

-et-

N° : 505-32-037680-197

RESPECS INC.

Partie demanderesse

c.

ALIMENTATION C.C. SEVIGNY INC.

Partie défenderesse

 

 

JUGEMENT SUR LA DEMANDE DE REMISE

 

 

I-              APERÇU

[1]           Les défenderesses peuvent-elles obtenir la remise d’une audience prévue pour le 27 janvier 2020 parce qu’elles entendent demander la jonction des présents dossiers avec 28 autres dossiers ouverts devant la Division des petites créances de cette Cour ?

[2]           Le Tribunal est d’avis que pour assurer une bonne administration de la justice et une bonne utilisation des ressources judiciaires, la demande de remise doit être rejetée et la convocation du 27 janvier 2020 doit être maintenue. Voici pourquoi.

II-            CONTEXTE

[3]           Le 30 octobre 2019, une ordonnance de jonction d’instances est prononcée à l’égard des sept instances concernées par le présent jugement, alors en état d’être instruites.

[4]           Dans ces dossiers, la demanderesse Respecs inc. (Respecs) réclame divers montants aux défenderesses pour services rendus. Les services sont les mêmes pour toutes les défenderesses et les moyens de défense sont identiques. Seuls les montants réclamés sont différents.

[5]           Le 20 novembre 2019, le greffier de cette Cour convoque les parties à l’audience prévue pour le 27 janvier 2020.

[6]           Le 6 janvier 2020, dans les délais énoncés à l’article 554 du Code de procédure civile[1] (C.p.c.), Respecs produit des pièces additionnelles au dossier de la Cour, dans chaque dossier.

[7]           Le 15 janvier 2020, les procureurs des défenderesses écrivent à la Cour pour demander la remise de l’audience du 27 janvier. Ils invoquent les motifs suivants :

a)   Il existe en tout 36 instances instituées par Respecs devant la Division des petites créances, à l’encontre de marchands opérant sous la même bannière;

b)   Ces 36 instances soulèvent tous le même type de réclamation, les mêmes enjeux et les mêmes bases factuelles et juridiques;

c)   Les défenderesses entendent demander la jonction de toutes ces instances;

d)   Monsieur Roger Raymond (monsieur Raymond), représentant des défenderesses dans les dossiers 505-32-037639-193, 505-32-037640-191 et 505-32-037641-199 doit signer la demande de remise au nom de toutes les autres défenderesses, puisqu’il est désigné par les défenderesses comme étant celui qui a le meilleur intérêt pour agir;

e)   Monsieur Raymond est en vacances à l’extérieur du pays, jusqu’au 20 janvier inclusivement, et signera la demande de jonction à son retour pour la produire au plus tard le 21 janvier 2020;

f)     Les défenderesses ne sont pas prêtes à procéder car elles ont reçu, au début du mois, des avis de dépôts des pièces additionnelles de Respecs, qu’elles qualifient de « volumineux »;

g)   Il existe d’autres dossiers pour lesquels aucune instance n’est ouverte, impliquant des montants variant de 18 508,53 $ à 50 577,96 $;

[8]           À cette lettre des procureurs des défenderesses est jointe un projet de demande de jonction d’instances, qui allègue les motifs suivants (les motifs qui se recoupent avec ceux de la demande de remise ne sont pas repris) :

a)   Une même audience pour tous les dossiers permet de réduire le nombre de jours d’audience;

b)   La jonction d’instance assure une gestion efficace des ressources judiciaires;

c)   Les défenderesses convoquées pour le 27 janvier ne sont pas prêtes à procéder, puisqu’elles doivent se réunir pour présenter une défense commune;

d)   Si les instances sont jointes, les défenderesses nécessitent deux jours pour faire leur preuve.

[9]           Le 17 janvier 2020, le représentant de Respecs écrit à la Cour pour formuler ses observations sur les demandes formulées dans la lettre du 15 janvier. Essentiellement, Respecs s’oppose à la demande de remise de l’audience et s’oppose à la demande de jonction des dossiers. Les motifs formulés sont :

a)   Il n’est pas démontré que la jonction de toutes les instances entraînerait une économie de temps;

b)   Chaque dossier est unique;

c)   Monsieur Raymond n’a pas connaissance de la gestion interne de toutes les défenderesses;

d)   Respecs doute que monsieur Raymond soit en droit de représenter l’ensemble des défenderesses devant la Division des petites créances;

e)   Respecs entend interroger un représentant de chacune des défenderesses;

f)     La jonction peut entraver le processus de médiation prévu dans deux dossiers; ainsi que la conclusion de nouvelles ententes hors Cour;

g)   La jonction aurait pour effet de complexifier la gestion des dossiers et entraîner des délais;

[10]        La demande de jonction d’instances signée par monsieur Raymond est produite au dossier de la Cour en date du 21 janvier 2020.

[11]        Les positions des parties étant exposées, il convient à d’exposer les principes devant guider le Tribunal dans sa décision sur les demandes de remise et de jonction d’instances.

III-           ANALYSE

A-   PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES

[12]        Les articles 17, 18, 210, 539, 540, 542, 554, 555 et 557 C.p.c. trouvent application aux fins de décider des demandes des défenderesses :

17. Le tribunal ne peut se prononcer sur une demande ou, s’il agit d’office, prendre une mesure qui touche les droits d’une partie sans que celle-ci ait été entendue ou dûment appelée.

Dans toute affaire contentieuse, les tribunaux doivent, même d’office, respecter le principe de la contradiction et veiller à le faire observer jusqu’à jugement et pendant l’exécution. Ils ne peuvent fonder leur décision sur des moyens que les parties n’ont pas été à même de débattre.

18. Les parties à une instance doivent respecter le principe de proportionnalité et s’assurer que leurs démarches, les actes de procédure, y compris le choix de contester oralement ou par écrit, et les moyens de preuve choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigé, proportionnés à la nature et à la complexité de l’affaire et à la finalité de la demande.

Les juges doivent faire de même dans la gestion de chacune des instances qui leur sont confiées, et ce, quelle que soit l’étape à laquelle ils interviennent. Les mesures et les actes qu’ils ordonnent ou autorisent doivent l’être dans le respect de ce principe, tout en tenant compte de la bonne administration de la justice.

210. Le tribunal peut, même lorsque les demandes ne résultent pas de la même source ou d’une source connexe, ordonner la jonction de plusieurs instances entre les mêmes parties portées devant le même tribunal, pourvu qu’il n’en résulte pas un retard indu pour l’une d’elles ou un préjudice grave à un tiers.

Il peut en outre ordonner que plusieurs instances pendantes devant lui, entre les mêmes parties ou non, soient jointes pour être instruites en même temps et jugées sur la même preuve ou ordonner que la preuve faite dans l’une serve dans l’autre ou que l’une soit instruite et jugée avant les autres.

Il peut également, si plusieurs demandes ont été jointes, ordonner qu’elles soient disjointes en plusieurs instances, s’il l’estime opportun eu égard aux droits des parties.

539. Des créanciers peuvent joindre leurs demandes si elles ont le même fondement juridique ou soulèvent les mêmes points de droit et de fait, pourvu que chacune de ces demandes n’excède pas 15 000 $. Le tribunal peut, en tout temps, disjoindre ces demandes.

540. En tout temps au cours de l’instance, le tribunal peut prendre, même d’office, les mesures de gestion d’instance qu’il juge appropriées et au besoin convoquer une conférence de gestion ou entendre une demande préliminaire et rendre toute ordonnance utile.

Il peut, s’il le considère nécessaire pour l’appréciation des faits relatifs au litige, imposer une expertise commune et en fixer les conditions et les modalités; il peut aussi demander à un huissier d’établir un constat de l’état de certains lieux ou biens.

Il peut, si les circonstances s’y prêtent, tenter de concilier les parties soit au cours de l’audience soit à l’occasion d’une conférence de règlement à l’amiable. À défaut d’entente, le juge saisi peut, avec le consentement des parties, poursuivre l’instruction de l’affaire.

542. Les personnes physiques doivent agir elles-mêmes; elles peuvent cependant donner mandat, à titre gratuit, à leur conjoint, à un parent, à un allié ou à un ami de les représenter. Ce mandat est constaté dans un document identifiant le mandataire, indiquant les motifs pour lesquels la personne est empêchée d’agir et signé par le mandant.

L’État, les personnes morales, les sociétés ou les associations ou les autres groupements sans personnalité juridique ne peuvent être représentés que par un dirigeant ou un salarié à leur seul service qui n’est pas avocat.

L’avocat ne peut, malgré l’article 34 de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12), agir comme mandataire, non plus que l’agent de recouvrement, à moins qu’il ne s’agisse pour eux de recouvrer les honoraires qui sont dus à la société dont ils sont membres. Exceptionnellement, lorsqu’une cause soulève une question complexe sur un point de droit, le tribunal peut, d’office ou à la demande d’une partie, autoriser la représentation des parties par avocat; il doit préalablement obtenir l’accord du juge en chef de la Cour du Québec. Dans ce cas, sauf pour les parties non admissibles à titre de demandeur suivant le présent titre, les honoraires et les frais des avocats sont à la charge du ministre de la Justice; ils ne peuvent cependant excéder ceux que prévoit le tarif d’honoraires établi par le gouvernement en vertu de la Loi sur l’aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques (chapitre A-14).

Tant les personnes physiques que les personnes morales peuvent consulter un avocat, notamment afin de préparer la présentation de leur dossier

554. Lorsque le dossier est prêt, le greffier, au moins six semaines mais pas plus de trois mois avant la date prévue pour l’audience, notifie la convocation à l’audience au demandeur et aux autres parties qui ont produit leur contestation.

La convocation fait mention que chacune des parties peut, sur demande, consulter les pièces et les documents déposés au greffe par les autres parties et en obtenir une copie; elle informe les parties qu’elles sont tenues de produire tout autre document au moins 21 jours avant la date fixée pour l’audience, mais seulement s’il ne l’a pas encore été. Elle rappelle également que celui qui représente le demandeur doit produire son mandat.

La convocation rappelle aussi aux parties qu’elles doivent, à l’audience, être accompagnées de leurs témoins, mais qu’elles peuvent remplacer leur comparution par une déclaration pour valoir témoignage, et qu’elles doivent donc, au moins 21 jours avant la date fixée pour l’audience, indiquer au greffier le nom des témoins dont elles demandent la convocation, la raison de celle-ci et l’objet de leur témoignage et, le cas échéant, fournir les déclarations de ceux qui ne comparaissent pas. La convocation leur rappelle qu’elles peuvent être tenues de supporter les frais de justice liés à la comparution si le juge estime qu’un témoin a été convoqué et s’est déplacé inutilement.

Le greffier notifie aux témoins que les parties lui indiquent une citation à comparaître et les informe qu’ils agissent à titre gratuit, sauf décision contraire du tribunal. Si le nombre des témoins lui paraît inutilement élevé, il peut en référer au tribunal pour instructions.

555. Si une partie produit au greffe au moins 21 jours avant la date fixée pour l’audience la déclaration d’une personne, à titre de témoignage de fait ou pour valoir rapport de l’expert, le greffier la notifie à l’autre partie. Cette dernière peut demander au greffier, si elle l’estime nécessaire, la convocation du déclarant.

557. Dans tous les cas où l’audience est nécessaire, le greffier la fixe, dans la mesure du possible, à une date et à une heure où les parties et leurs témoins pourront être présents. Le tribunal peut tenir l’audience ailleurs qu’au lieu où la demande a été présentée.

Le greffier peut remettre une affaire à la demande d’une partie, s’il s’agit d’une première demande et qu’elle lui est présentée au moins un mois avant la date de l’audience; il avise, sans délai, l’autre partie de la demande et entend ses observations. S’il accorde la demande, il statue sur les frais engagés par cette dernière partie; sa décision sur les frais peut être révisée par le tribunal lors de l’audience sur le fond. Toute autre demande de remise doit être soumise au tribunal pour qu’il en décide.

1)   La représentation par avocat

[13]        D’entrée de jeu, le Tribunal juge essentiel de mentionner que c’est de façon exceptionnelle qu’il prend connaissance de la lettre des procureurs des défenderesses. Même si les défenderesses ont le droit d’être assistées par avocat dans la préparation de leurs dossiers respectifs, elles ne peuvent mandater de procureur pour formuler une demande au Tribunal. Ceci contrevient à l’article 542 C.p.c.

[14]        Puisque la demande de jonction d’instance est déposée par monsieur Raymond lui-même le 21 janvier 2020, le Tribunal décide de tenir compte de certains des commentaires formulés dans la lettre des procureurs des défenderesses. Plusieurs de ces commentaires sont implicitement ou explicitement repris dans la demande de jonction d’instances.

[15]        Cependant, ceci ne doit pas être interprété comme une reconnaissance de la qualité des procureurs des défenderesses pour agir au nom de leurs clientes auprès du Tribunal.

[16]        Au contraire, et sans faire de reproche à qui que ce soit, le Tribunal souhaite vivement qu’il soit mis un terme à cette pratique par laquelle des procureurs interviennent auprès de la Division des petites créances pour faire valoir les droits de leurs clients, pratique qui devient de plus en plus répandue et qui stérilise l’intention claire du législateur exprimée à l’article 542 C.p.c.[2]

[17]        La Division des petites créances a pour but d’« assurer aux justiciables une administration de la justice simplifiée, facilement accessible, plus expéditive et moins coûteuse »[3], sans priver les justiciables de la protection des règles de justice naturelle[4].

[18]        Pour assurer la réalisation de cet objectif, le législateur exige que les parties ne mandatent[5] pas leurs procureurs pour faire des représentations ou même pour communiquer avec le Tribunal. Aux yeux du justiciable qui n’a pas les moyens de se permettre ce luxe, et en faveur de qui l’article 542 C.p.c. existe, ceci brise l’équilibre auquel le législateur tente d’arriver. Qui plus est, l’article 542 C.p.c. n’autorise pas le procureur d’une partie à aller aussi loin.

2)   Les mesures de gestion d’instance

[19]        La saine administration des ressources judiciaires représente une condition essentielle pour assurer le bon fonctionnement du système judiciaire et l’accès des justiciables à une justice de qualité. Pour garantir cette saine administration, le législateur a doté les tribunaux de plusieurs outils[6].

[20]        L’un de ces outils est le pouvoir de gestion conféré aux juges qui sont saisis des dossiers. L’article 540 C.p.c. permet au juge siégeant à la Division des petites créances de recourir aux mesures de gestion d’instance appropriées et à la conférence de gestion, et ce, même d'office. Le juge de la Division des petites créances peut prononcer les mesures de gestion de l’instance prévues à l’article 158 C.p.c. Les mesures de gestion choisies doivent être proportionnées et convenir au processus de recouvrement d’une petite créance. De plus, elles doivent respecter l’ensemble des dispositions de cette voie procédurale.

[21]        Parmi les mesures que le tribunal peut ordonner, figurent la remise d’audience[7] et la jonction des dossiers[8]. C’est d’ailleurs dans ce dernier cadre que l’ordonnance du 30 octobre 2019 est prononcée par le soussigné dans le présent dossier.

[22]        Toute mesure de gestion ou décision sur un incident qui s’inscrit dans le contexte du déroulement de l’instance doit considérer les principes directeurs de la procédure[9]. Dans Lavigne, la Cour d’appel récapitule certains de ces principes :

[40] Ces principes directeurs, rappelons-le, sont ceux énoncés aux articles 17 à 24 du Chapitre III (« Les principes directeurs de la procédure ») du Titre II («  Les principes de la procédure applicable devant les tribunaux de l’ordre judiciaire ») du Livre I (« Le cadre général de la procédure civile ») du C.p.c. Ces articles portent sur le droit d’être entendu et la contradiction des débats (art. 17), sur le principe de la proportionnalité (art. 18), sur la saine gestion et le bon déroulement des instances (art. 19), sur les devoirs de coopération et d’information (art. 20), sur les droits et devoirs des témoins, y compris les témoins experts (art. 21-22), sur le droit des individus d’agir pour eux-mêmes devant les tribunaux (art. 23), et sur la portée du serment (art. 24).

[41] De plus, ces principes directeurs de la procédure doivent être eux-mêmes interprétés et mis en œuvre à la lumière de la disposition préliminaire du C.p.c., dont notamment son 2e alinéa. Ainsi, ces principes directeurs doivent être appliqués de façon à permettre le règlement des différends et des litiges par des procédés adéquats, efficients, empreints d’esprit de justice et favorisant la participation des personnes. Ils doivent aussi être interprétés et mis en œuvre de façon à assurer l’accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile, l’application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et l’exercice des droits des parties dans un esprit de coopération et d’équilibre, ainsi que le respect des personnes qui apportent leur concours à la justice.[10]

(soulignement ajouté)

[23]        La Cour d’appel rappelle ici que la disposition préliminaire du C.p.c. impose l’efficacité, l’accessibilité et la célérité de la justice civile. Ceci signifie que les Tribunaux doivent favoriser une application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et de l’exercice des droits des parties. Parmi les exigences imposées par le législateur figure celle de la célérité de la justice.

[24]        Avec cette nouvelle philosophie véhiculée par le C.p.c., l’époque où le retard à accéder à la justice peut simplement être compensé par l’octroi d’intérêts est révolu. Il faut aller plus loin et s’assurer du respect des droits procéduraux des parties. Chaque cas est un cas d’espèce. Sous le nouveau C.p.c., l’accès du contribuable au système de justice est un élément primordial que le tribunal doit considérer avant de prononcer une mesure qui retarde l’instance[11].

[25]        La justice moderne impose cette nouvelle approche, axée sur l’efficacité et la célérité. Les Tribunaux sont maintenant équipés d’outils qui leur permettent, même d’office, de « prendre des mesures propres à simplifier ou à accélérer la procédure et à abréger l’instruction »[12]. Cette approche s’impose à l’égard de l’ensemble des décisions portant sur le déroulement de l’instance[13]. La Cour d’appel conclut :

[66] Une nouvelle culture judiciaire s’impose avec l’entrée en vigueur du nouveau C.p.c. Le formalisme juridique n’est plus de mise. Le nouveau C.p.c. exige plutôt de la part des tribunaux une approche innovante des litiges axée sur l’efficacité, la célérité et la simplification des recours lorsque cela est possible. C’est le cas ici.[14]

(soulignement ajouté)

[26]        Ces enseignements lient le Tribunal. La Cour d’appel met la barre haute aux juges qui se prononcent en matière de gestion d’instance, tout discrétionnaire que soit leur pouvoir. Le résultat à atteindre est l’accès efficace, rapide et proportionné à la justice civile. Un accès qui tient compte, à la fois, du droit du justiciable d’être entendu pleinement et de l’utilisation optimale des ressources judiciaires.

[27]        Tout retard encouru dans une instance entraîne un déni des garanties d’accès rapide à la justice et doit par conséquent être pleinement justifié[15]. Il faut aussi tenir compte du fait qu’une remise d’audience implique une réorganisation des ressources judiciaires dont souffrent d’autres justiciables qui auraient pu profiter du temps d’audience réservé parfois longtemps à l’avance.

[28]        Force est de conclure que dans le respect de l’économie du nouveau C.p.c., le juge saisi d’une demande de remise doit s’assurer d’une optimisation de l’utilisation de ces ressources.

[29]        Fort de ces enseignements, voyons ce qu’il en est dans le présent cas.

B-   APPLICATION

[30]        Le Tribunal doit se prononcer sur la demande de remise et sur la demande de jonction d’instances. Le Tribunal a certes compétence pour décider de ces deux demandes dans le cadre d’une ordonnance de gestion[16]. Toutefois, il ne s’agit pas que d’une simple formalité ou d’une estampille de la nature d’un « rubber stamping ». La considération des intérêts supérieurs de la justice n’est pas une mince affaire.

[31]        Ce n’est pas pour rien que l’article 557 C.p.c. stipule que le greffier doit demander les observations de l’autre partie lorsqu’une demande de remise est formulée, et que toute demande de remise formulée moins de trente jours avant l’audience doit être référée au Tribunal.

[32]        Ce n’est pas pour rien non plus que l’article 210 C.p.c. prévoit, à son deuxième alinéa, des alternatives à la demande de jonction d’instances. Dans ce dernier cas, le Tribunal jouit d’une discrétion pour ordonner la marche à suivre qui lui apparait la plus appropriée et la plus respectueuse de l’économie du nouveau C.p.c., dont les principes directeurs sont énoncés plus haut.

1)   La demande de remise

[33]        Les parties ont reçu l’avis de convocation près de deux mois avant la date d’audience. Les explications contenues dans la lettre des procureurs des défenderesses ne permettent pas au Tribunal de conclure que les défenderesses n’ont pas eu le temps de se préparer adéquatement.

[34]        L’autre raison invoquée, le dépôt de pièces additionnelles « volumineuses » doit cependant être considérée. Le Tribunal a eu l’occasion de prendre connaissance de ces documents avant de rendre jugement. À l’exception du document qui apparait être adressé à Pratt & Whitney et du rapport de monsieur Belleau en date du mois de novembre 2019, il s’agit pour la plupart de documents confectionnés entre novembre 2015 et janvier 2019 et fort probablement déjà connus des défenderesses.

[35]        Le Tribunal doit cependant donner aux défenderesses l’occasion d’expliquer leur inconfort quant à la production de ces documents additionnels et doit aussi donner à Respecs l’occasion de l’éclairer sur la pertinence de ces documents dans le cadre de ses demandes qui, il est utile de le mentionner, sont des actions sur compte pour services rendus, en l’espèce une assistance pour l’obtention de remboursements sur les intrants de la part de Revenu Québec.

[36]        Le Tribunal constate à cet effet que les moyens de contestation des défenderesses sont non seulement similaires mais aussi simples et concis : Respecs savait que Revenu Québec refuserait d’octroyer les remboursements d’intrants demandés. Aucun montant n’étant recouvré de Revenu Québec, Respecs n’a pas droit aux honoraires demandés. Respecs rétorque que les défenderesses ont omis de fournir certaines informations et ont omis de remplir les demandes permettant d’obtenir les remboursements TVQ[17].

[37]        Respecs s’est déclarée prête à procéder. Le Tribunal peut commencer à entendre les demandes à l’encontre des huit défenderesses concernées par les présentes instances. Le Tribunal peut aussi entendre les représentants des défenderesses. Le Tribunal rappelle que les parties avaient toute liberté pour convoquer leurs témoins lorsqu’elles ont reçu les avis de convocation.

[38]        Alternativement, le Tribunal peut aussi, s’il le juge approprié, débuter l’audience d’une cause type, choisie parmi les dossiers déjà réunis, tel qu’il en est discuté plus bas.

[39]        Dans tous les cas, une conférence de gestion peut être tenue, lors de laquelle Respecs et les défenderesses peuvent informer le Tribunal de la preuve, autant testimoniale que documentaire, qu’elles entendent soumettre dans chacun des huit dossiers déjà réunis. La question de l’assignation de témoins additionnels peut alors être débattue.

[40]        Le Tribunal peut aussi, lors d’une telle conférence de gestion, entendre les observations des parties sur la possibilité de joindre les présentes instances avec les 28 autres pendantes devant la division des petites créances. Ayant commencé à entendre les dossiers, le Tribunal bénéficiera d’un éclairage additionnel pour ce faire.

[41]        La demande de remise doit par conséquent être rejetée. Le temps de Cour déjà réservé peut être utilisé à bon escient, dans l’intérêt de toutes les parties concernées.

2)   La demande de jonction d’instances

[42]        La jonction d’instances n’est pas toujours la solution qui favorise la meilleure administration de la justice et plus particulièrement le respect du principe de la proportionnalité. L’article 201 C.p.c. le reconnait bien en proposant des solutions alternatives. À cette fin, le Tribunal doit considérer le contexte global dans lequel la demande est formulée.

[43]        La jonction des instances ne doit pas transformer l’audience de huit dossiers relativement simples dont l’audience est prévue pour une demi-journée en un seul dossier gigantesque de plusieurs jours. Ceci peut monopoliser inutilement les ressources de la Cour.

[44]        Par ailleurs, si la preuve est la même dans tous les dossiers, elle peut être administrée dans les dossiers déjà réunis et versée dans les autres dossiers par la suite. L’article 210 C.p.c. permet cette approche.

[45]        Considérant que suivant les représentations des parties[18], toutes les instances soulèvement les mêmes enjeux, les mêmes bases factuelles et les mêmes bases juridiques, la possibilité de procéder à l’audience d’une cause type ne doit définitivement pas être exclue. Cette possibilité est prévue à l’article 210 C.p.c. Cette solution parait militer beaucoup plus pour le principe de la proportionnalité et de la bonne administration de la justice que celle de joindre les 36 dossiers pour une audience commune.

[46]        C’est pourquoi la demande de jonction d’instances apparaît prématurée à ce stade.

[47]        Dans tous les cas, et tel que mentionné plus haut, rien n’empêche le Tribunal de se prononcer plus tard sur une éventuelle demande de jonction de toutes les instances, dans la mesure où une telle mesure apparait alors appropriée.

3)   La gestion d’instance

[49]        Puisque les parties sont déjà convoquées pour le 27 janvier 2020 et que du temps de Cour est déjà réservé à cette fin, le Tribunal est d’avis qu’il est approprié, pour une saine administration de la justice, de maintenir cette convocation.

[51]        D’ailleurs, le Tribunal tient à mentionner que la remise de l’audience du 27 janvier 2020 entraînerait un report d’au moins deux mois et ferait en sorte que les parties se présenteraient devant la Cour moins outillées qu’elles le seront après la tenue de la conférence de gestion du 27 janvier 2020.

[52]        Plutôt que d’imposer ce délai aux parties, le Tribunal estime qu’il est plus efficace de prendre avantage de l’audience du 27 janvier 2020 déjà fixée pour faire progresser le dossier vers une résolution rapide, quitte à fixer la poursuite de l’audience de façon prioritaire.

[53]        Le Tribunal ajoute que la tenue d’une conférence de gestion permet aussi aux parties de faire bénéficier au soussigné de l’éclairage qu’elles lui apporteront en exposant à l’avance les éléments mentionnés au paragraphe [50] du présent jugement.

IV-         CONCLUSION

[54]        Pour toutes ces raisons, le Tribunal est d’avis que la convocation fixée pour le 27 janvier à 9h00 doit être maintenue. Toute observation additionnelle des parties relativement à l’une ou l’autre des demandes formulées par les défenderesses peut être entendue à ce moment.

[55]        PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[56]        REJETTE la demande de remise;

[57]        MAINTIENT la convocation du 27 janvier 2020;

[58]        DEMEURE saisi des dossiers;

[59]        REMET au 27 janvier 2020 la présentation de la demande de jonction d’instances.

 

 

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LUC HERVÉ THIBAUDEAU, J.C.Q.

 

 



[2] Lachapelle c. Ville de Granby, 2019 QCCQ 4373 , par. 4; Bardell c. Ndayishimiye, 2019 QCCQ 849, par. 11; Gestion Olymbec inc. c. Montréal (Ville de), 2010 QCCQ 1224, par. 15-17.

[3] Bussières c. Cour du Québec, Chambre civile, 2018 QCCS 2897, par. 24-26 ; Pelletier c. St-Pascal (Ville de), 2011 QCCQ 4022, par. 40-41; Gestion Olymbec inc. c. Montréal (Ville de), 2010 QCCQ 1224, par. 9-10 ; Robert c. Cour du Québec, 2010 QCCS 5808, par. 21 ; Labonté c. Cour du Québec, division des petites créances, 2001 CanLII 25222, par. 24 (C.S.) ; Gélinas c. Ménard, 2006 QCCS 5294, par. 9 ; Canadian Air Line Pilots Association c. D’Orsonnens, R. et F., C.p.c. annoté, 1981, v. 3, 134 (C.A.). Voir aussi le journal des débats de l’Assemblée nationale du Québec, 22 janvier 1971, vol. 11, t.6, p. B-185 (M. Choquette).

[4] D.C. c. Cour du Québec du district judiciaire de Beauharnois, 2010 QCCS 970, par. 31; Transport CFA inc. c. Lina Transport inc., 2009 QCCS 1341, par. 37 ; Venne c. Bélanger, 2003 CanLII 39347, par. 18 (C.S.).

[5] Le terme « agir comme mandataire » est le terme utilisé à l’article 542 C.p.c.

[6] Canada (Procureur général) c. Confédération des syndicats nationaux, 2014 CSC 49, [2014] 2 R.C.S. 477, par. 1.

[7] Savard c. Subaru Canada Inc., 2005 CanLII 32829.

[8] PSI inc. c. Hunt Réfrigération Canada inc., 2016 QCCQ 102, par. 12 ; Toupin c. Poulin, 2012 QCCQ 15980, par. 22.

[9] Lavigne c. 6040993 Canada inc., 2016 QCCA 1755, par. 39; 9091-4532 Québec inc. c. Construction Polaris inc., 2019 QCCS 3197, par. 29.

[10] Lavigne c. 6040993 Canada inc., 2016 QCCA 1755, par. 40-41.

[11] Lavigne c. 6040993 Canada inc., 2016 QCCA 1755, par. 51.

[13] Lavigne c. 6040993 Canada inc., 2016 QCCA 1755, par. 52.

[14] Lavigne c. 6040993 Canada inc., 2016 QCCA 1755, par. 66.

[15] Vitreco inc. c. Entreprise de construction TEQ inc., 2019 QCCQ 6874, par. 36-38.

[17] Paragraphe 1 B des demandes.

[18] Le Tribunal se fonde sur les observations de Respecs en date du 4 octobre 2019 dans le cadre de la demande de renvoi dans le dossier 505-32-037680-197 et sur les allégations de la demande de jonction d’instances.